Euro 2012 - Hodgson sacrifie Ferdinand
En décidant de se passer de Rio Ferdinand pour l'Euro, le nouveau sélectionneur anglais Roy Hodgson impose sa patte d'emblée. Et fait jaser.
Pour mesurer à quel point la non-sélection de Rio Ferdinand pour l'Euro 2012 constitue l'information principale de la liste des 23 joueurs dévoilée par Roy Hodgson, les trois-quarts des questions posées au nouveau sélectionneur de l'équipe d'Angleterre ont porté sur le cas du défenseur central de Manchester United. Pour sa toute première annonce de groupe, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ancien manager de Liverpool a fait sensation. Flegmatique mais, quand même, un brin agacé, Hodgson a vite compris qu'il aurait du mal à se sortir de cette affaire. "Il y a 23 joueurs sélectionnés, nous avons un tournoi à préparer et j'ai l'impression qu'on ne va parler que d'un seul joueur", a-t-il lancé en guise de réponse après avoir été interpellé pour la dixième fois sur le sujet.
Mais Hodgson devait bien s'attendre à un tel mitraillage. Sur le fond comme sur la forme, l'absence de Ferdinand ne pouvait que faire débat. D'abord parce que le Red Devil est un des piliers du Three Lions depuis quasiment quinze ans. Sélectionné pour la première fois en 1997, il pèse 81 sélections. Même s'il a connu de nombreux problèmes physiques ces dernières saisons, pour beaucoup, à 33 ans, Ferdinand demeure intrinsèquement un des meilleurs joueurs anglais à son poste. Et s'il n'a pas encore réagi à sa non-sélection, il a laissé entendre que cet évènement marquerait la fin de sa carrière internationale.
Football ou politique?
Ce qui interpelle en Angleterre, ce sont les motivations profondes du choix de Roy Hodgson. John Terry, sa moitié depuis dix ans en défense centrale, doit passer en jugement le 9 juillet, juste après l'Euro, dans une affaire de racisme qui l'oppose à... Anton Ferdinand, le frère cadet de Rio. Fallait-il, malgré tout, associer les deux joueurs? Hodgson le jure, il a mûri sa décision concernant Terry et Ferdinand "sur des critères purement footballistiques". "Je respecte beaucoup Rio en tant que joueur et en tant qu'homme", a assuré Hodgson." "Mais, a-t-il ajouté, je me suis basé sur ce que j'ai vu ces derniers mois. Rio n'a pas joué suffisamment depuis la Coupe du monde 2010 et il n'a disputé qu'un seul match avec l'Angleterre l'an dernier."
Chez les anciens internationaux, le choix de Roy Hodgson est souvent perçu comme une surprise. Au minimum. "Je suis étonné. Je m'attendais à ce que John et Rio soient tous les deux dans le groupe", avoue l'ancien milieu de terrain Danny Mills, qui fut le coéquipier de Ferdinand à Leeds. "Est-ce que c'est politique ou sportif? s'interroge Darius Vassel. Sans doute un peu des deux." D'autres prennent moins de gants, comme l'attaquant de QPR, Jay Bothroyd. "Sérieusement, comment Rio Ferdinand peut-il être absent de l'Euro? C'est une plaisanterie", a lâché l'attaquant sur Twitter. Sur Sky Sports, Tony Cottee, l'ancien buteur de l'équipe d'Angleterre dans les années 80, estime que Hodgson a commis une erreur. "Rio joue à Manchester United, il est en forme, et sa santé ne pose pas de problème, juge-t-il. Si c'est une décision footballistique, je ne comprends pas. John est bien un de nos meilleurs défenseurs centraux. S'il fallait sacrifier quelqu'un pour des raisons de vie de groupe, c'est Terry qui devait partir."
Hodgson a donc choisi de "sauver" Terry plutôt que Ferdinand. "J'ai eu une total liberté pour composer mon groupe, reprend-il. Je savais que j'allais provoquer des froncements de sourcils, mais c'est ma décision et je l'assume". En réalité, quoi qu'il arrive, sa décision concernant ses deux défenseurs stars aurait été sujette à débat. "C'est une décision courageuse de la part de Roy et je trouve qu'il s'en est bien sorti dans ses explications, tranche David Davies, l'ancien directeur exécutif de la Fédération anglaise. A titre personnel, je pense que Rio avait sa place. Il va être déçu, pour utiliser un mot léger. Nous saurons dans quelques semaines si sa décision était la bonne." D'ici là, l'Angleterre n'a pas fini de causer...
Laurent VERGNE / Eurosport