Romaric : "L'esprit doit changer"C’est une énigme récurrente dans l’histoire du football : pourquoi une équipe composée d’innombrables talents ne réussit-elle pas à briller, voire même passe complètement à côté d’un évènement ?
Pourquoi le Brésil de Zico et Socrates n’a-t-il rien gagné ? Comment la France de Zidane et l’Argentine de Veron sont-elles sorties au premier tour de Coupe du Monde de la FIFA 2002 ?
La dernière sélection à connaître ce mal mystérieux est la Côte d’Ivoire. La meilleure génération de l’histoire du pays, emmenée par Didier Drogba, Kolo et Yaya Touré et autres Salomon Kalou n’a toujours pas trouvé la bonne formule pour décrocher un titre ou au moins honorer les attentes placées en elle.
Milieu de terrain de ces Eléphants qui impressionnent sur le papier, mais pas encore sur le terrain, Romaric N'Dri Koffi, semble avoir identifié le problème et propose des solutions. Au cours d’un entretien exclusif avec FIFA.com, le puissant joueur du FC Séville, qui sort d’une saison marquée par les blessures et les désillusions, tire la sonnette d’alarme pour éviter le gâchis d’une génération de surdoués.
Sven-Göran Eriksson a annoncé sa liste des 30 joueurs avant de réduire le nombre à 23 joueurs. Comment vit-on cette période d’attente, qui plus est avec un nouveau sélectionneur ?Avec un nouveau coach, on repart tous sur un pied d’égalité. Il faut donc saisir sa chance. Pour moi, cette Coupe du Monde est une superbe opportunité. Il va peut-être y avoir des surprises dans la liste finale. Une fois entré dans le vif du sujet, l’important sera de penser au collectif et de fournir un gros travail pendant la préparation pour arriver en Afrique du Sud avec le plus de confiance possible.
Cette confiance passe-t-elle par des changements ?Dans le passé, nous avions un bon groupe, mais tactiquement nous n’étions pas au niveau. Il nous a manqué des automatismes et un placement sur le terrain digne d’une équipe de notre rang. J’espère qu’Eriksson va corriger cela. C’est ce qu’on attend de lui avant tout. L’état d’esprit doit également changer, on doit vouloir gagner ensemble et enfin démontrer tout notre potentiel.
Dans un entretien à FIFA.com, Gervinho confiait récemment que l’équipe devait apprendre à défendre ensemble. Cela fait également partie des changements que vous attendez ?Evidemment ! Le travail défensif commence par les attaquants, c’est la tâche d’un groupe. On doit défendre ensemble, mais chacun avec son rôle. Mais nous avons de grosses lacunes dans nos déplacements collectifs. On ne peut pas se permettre de ne pas avoir le minimum requis au haut niveau dans ce domaine. Avoir 70 mètres d’écart entre les défenseurs et les attaquants comme lors de la dernière CAN, ce n’est plus possible. Nos lignes ne sont pas assez serrées, nous ne formons pas un bloc. Si nous corrigeons ces choses-là, nous pourrons viser quelque chose de grand.
Pensez-vous y parvenir en trois semaines seulement, avec un sélectionneur qui va découvrir le groupe lors du premier jour du stage ?Si nous y mettons tous du nôtre, si nous tirons tous dans le même sens, alors oui. Trois semaines, c’est assez pour montrer un autre style de jeu et un nouveau visage. On ne peut plus revivre un match comme celui contre l’Algérie à la CAN. Cette défaite a stigmatisé tous nos défauts. Les premiers discours sont importants et le coach a assez d’expérience pour le savoir. Après, il faut qu’on ait l’envie. Car techniquement, on sait ce qu’on doit faire, on le réalise tous les jours en club. Donc ce n’est qu’une question de volonté. Mais je le répète, il faut pour cela que chacun soit sur un pied d’égalité. La concurrence fait progresser un groupe, personne ne doit avoir sa position assurée.
Didier Zokora, Copa Barry ou Gervinho ont déjà livré ce même diagnostic sur les maux des Eléphants. Comment expliquer qu’ils n’aient pas encore été corrigés ?On connaît nos lacunes. Encore faut-il avoir envie de se battre l’un pour l’autre. Notre jeu de passes n’est pas assez construit, on manque de mobilité et le porteur du ballon n’a pas assez de possibilités. Il faut arrêter de faire des cadeaux, on n’est plus en centre de formation. Les petits ponts quand on est défenseur central, il faut arrêter ça. On n’est pas là pour se montrer ou se mettre en avant mais pour faire gagner l’équipe nationale.
Pensez-vous que l’échec à la CAN peut faire progresser l’équipe ?La réaction du peuple ivoirien après la CAN nous a montré que si on échoue encore en Afrique du Sud, ce n’est même pas la peine qu’on espère rentrer au pays ! La colère et la déception, je les ai senties après la défaite contre l’Algérie. Il faut bien comprendre que les Eléphants sont le seul facteur d’unification du pays. Quand on joue, il n’y a plus de différences de langues, d’ethnies, de couleur de peau. On doit leur réchauffer le cœur, même si c’est une relation amour-haine. Et puis, ne rien gagner avec cette génération serait plus que triste : ce serait un gâchis.
Personnellement, vous avez vécu une saison difficile. Comment l’analysez-vous ?J’ai commencé ma saison blessé et après j’ai eu du mal à revenir. Avant la CAN, j’étais revenu dans le coup mais Vahid Halilhodzic ne m’a pas convoqué. Mentalement, j’ai pris un coup. Dans la foulée, je me suis à nouveau blessé. C’est ma première saison avec autant de problèmes. Je n’avais jamais connu ça avant, j’ai donc beaucoup appris. C’est un mal pour un bien.
Pouvez-vous en tirer une motivation supplémentaire pour la Coupe du Monde de la FIFA ?Tout à fait. Je suis devenu plus fort et physiquement, je suis plus frais que certains. Cette Coupe du Monde peut me permettre de réparer les pots cassés après une saison difficile. Il ne me reste plus que ça !